Pour tenter de percer quelques secrets sur Unai Emery, parler à Romain Molina peut donner quelques indications. L'auteur français vient de sortir "Unai Emery El Maestro" aux éditions 'Hugo Sport', une biographie de l'entraîneur espagnol depuis ses débuts dans le football jusqu'à son arrivée dans la capitale française. Il a accepté de livrer 5 anecdotes sur le technicien parisien juste avant le rendez-vous le plus important de la saison du PSG face à Barcelone ce mardi au Parc des Princes.
Tirer au sort la composition d'équipe
J’avais rendez-vous dans une boutique Dolores Promesas à Malaga avec José Ortiz, l’ancien capitaine d’Almeria. José a connu un seul club dans sa vie (il est parti quelques mois en Italie au tournant des années 2000 à cause de la faillite de son équipe justement) et a réussi l’exploit de monter toutes les catégories du football espagnol. On a parlé une heure et demie : de sa passion pour le triathlon aux Migas, un plat andalou très répandu entre Almeria et Malaga.
Il m’a raconté en détail ses années almerienses avec Emery et de nombreuses anecdotes. La plus marquante, c’est lors du premier match en Liga après la remontée, à La Corogne. Personne n’avait idée de la composition, Unai n’a rien dit ou montré lors des entraînements ou mises en place d’avant-match, même pour les gardiens. Et je vais citer José : "Arrive la causerie d’avant-match. Il nous fixe un moment : 'Je m’en fous de qui va jouer. Là, maintenant, je vais tirer ça aux dés. Je prends le numéro de chacun d’entre vous et je tire onze fois les dés. Je n’en ai rien à foutre de qui va rentrer sur le terrain comme titulaire car je sais que vous allez le faire. Je sais qu’on va gagner de toute façon, que ce soit toi, toi ou toi qui est sur le terrain. Je le sais'. Je me suis retrouvé sur le banc et c’est évident que j’avais les boules car on s’est tous battus pour être titulaires, mais cette causerie… Elle m’est restée gravée. C’est une démonstration de l’équipe avant le joueur, du collectif avant l’individu : je tire ça aux dés et qu’importent les résultats, j’ai confiance en vous tous." Unai explique dans l’entretien de fin du livre le pourquoi du comment de cette causerie avec les dés d’ailleurs.
L'importance des latéraux
Ce n’est pas vraiment une anecdote en soi, mais j’ai été très surpris en parlant avec les latéraux ayant joué pour Unai : Bruno Saltor, Laurent De Palmas, Coke… Ils m’expliquaient le travail en profondeur des entraînements pour les latéraux, qui allait jusqu’à positionner son buste et son corps de telle façon pour optimiser un contrôle orienté. Et si tu le faisais mal, Unai sifflait et l’exercice d’opposition recommençait avec la balle au gardien. Pareil, il faisait passer ses joueurs au tableau avant les entraînements, notamment à Almeria. De Palmas expliquait qu’Emery posait des questions du genre : "On a une touche à vingt mètres de nos buts. Quelle est la première option ? La seconde ? La troisième ? Pourquoi doit-on faire ça ? Qu’est-ce que tu en penses ?"
Se cacher pour regarder les entraînements du Real Madrid et de l'Atlético
Alberto Benito a connu Emery à Tolède, en seconde division espagnole, il y a vingt ans. Ils ont vécu ensemble, puis travaillé ensemble à Almeria, le premier comme directeur sportif, le second comme entraîneur. Aujourd’hui encore, ils sont amis et Alberto vient parfois à Paris. Et il m’a raconté une discussion qui m’a paru assez surréaliste pour quelqu’un entraînant le PSG : "On parlait récemment et il me demandait si j’étais au courant des techniques utilisées par un entraîneur de Segunda B (D3 espagnole […] Vu que j’exerçais comme directeur sportif à Chypre, il voulait aussi des informations sur la manière dont les gens bossent ici car il pensait que ça pouvait lui apporter quelque chose." Il faut savoir que tous les deux allaient parfois en cachette regarder des entraînements du Real ou de l’Atlético quand ils jouaient à Tolède. Benito m’a même dit il y a peu que pour la signature de Cambiasso, Unai voulait absolument être derrière la main courante pour voir son premier entraînement.
La relation entre Unai Emery et Ever Banega
Tout le monde a parlé de la relation Banega - Emery, souvent en la comparant à Ben Arfa, ce qui est une aberration en soi. J’ai réussi à rentrer en contact avec Ever et il n’a pas caché qu’il lui arrivait de pleurer suite à ses disputes avec Unai, qu’il considère comme un "père" (c’est la première chose qu’il a exprimée en parlant de lui). J’ai voulu donner du relief à tout ça en demandant l’avis d’un membre du staff et de leurs coéquipiers, sans oublier celui d’Emery. Et je vais donc le citer car ça m’a fait rire : "Concernant Ever, je voulais le faire venir à Séville. Je disais à Monchi et Oscar [Arias, le secrétaire technique] : 'S’il joue comme il est, si nous parvenons à ce qu’il joue comme il peut le faire, il fera lever Sánchez-Pizjuán de son siège ! Il faut bien le traiter, lui donner de l’affection, de l’amour et être exigeant.' Quand il est venu, je l’ai toujours questionné sur sa femme et son poids. Monchi aussi a beaucoup parlé avec lui : 'Qu’est-ce que te dit le mister ? - Le mister me demande toujours pour ma famille et mon poids. Tous les jours !" [Rires] Si tout se passe bien dans sa famille et qu’il a son poids de forme, tu peux travailler avec Ever. C’est facile." Il y a dans le livre un moment particulier à la mi-temps de la demi-finale retour d’Europa League contre le Shakhtar où Emery prend Banega en dehors du vestiaire pour parler avec lui dans son bureau, laissant l’équipe à son adjoint, Carcedo. Mais ça, achetez le livre pour en savoir plus !
Adil Rami et les causeries d'Unai Emery
Pour finir, je suis obligé de citer Adil Rami. On parlait des causeries d’Unai et il a une citation ramiesque : "Il fait de belles causeries et tous les jours il change. J’ai un peu plus de maturité aujourd’hui, mais je devais quand même bien respirer car son discours était tellement beau que j’avais envie d’enc**** l’attaquant en sortant du vestiaire. Ça pouvait motiver l’équipe, mais pour moi qui étais déjà très motivé sans discours… J’essayais parfois de ne pas l’écouter. C’est comme Obélix, je n’avais pas besoin de prendre de la potion magique, j’étais tombé dedans quand j’étais petit [rires] !" Il illustre cet exemple avec un derby contre le Betis où il doit s’isoler dans les toilettes vu comme "c''est parti en coui****" dans le vestiaire.