À mi-saison, et c'est une constante depuis plusieurs années, le Bayern Munich est engagé sur tous les fronts et en course donc pour signer un triplé. Cela dit, si elle peut encore tout gagner, l'équipe bavaroise ne s'est peut-être jamais autant inquiétée à l'idée de ne pas pouvoir assurer l'objectif minimal, qui est la conquête du championnat. À l'issue de la phase aller, les Bavarois accusent un retard de 6 points sur le leader, le Borussia Dortmund. Ce n'est pas insurmontable, mais c'est assez pour décréter que le Bayern n'est plus aussi souverain sur la scène domestique. Un pas en arrière que les sextuples tenants du titre espèrent rapidement compenser. Et pour cela, ils s'en remettent essentiellement à leur buteur vedette, Robert Lewandowski.
En cette campagne 2018/19 où les vieux cadres de l'équipe que sont Robben et Ribéry font de de plus en plus leur âge, où le gardien Manuel Neuer cède sur la majorité des tirs qu'il concède et où les hommes forts du milieu de terrain côtoient l'infirmerie à tour de rôle, le Polonais n'a jamais porté autant d'espoirs sur ses épaules. Et c'est d'autant plus le cas que sa première partie de saison a encore été impressionnante au niveau statistique (19 buts et 5 passes décisives toutes compétitions confondues). Une rentabilité qui tranchait même par moments avec les résultats collectifs, moins clinquants que par le passé.
Contrairement à son équipe, lui ne connait pas le doute
A trente ans (il les a fêtés il y a cinq mois), Lewandowski incarne plus que jamais la principale force du Bayern. Un constat que partage Patrick Guillou, consultant BeIn Sports sur la Bundesliga. "Avant de juger la demi-saison de Lewandowski, il faut voir ses statistiques sur 2018. Rien qu'avec le Bayern, c'est 48 matches officiels et 42 buts. Tout commentaire parait superflu, a-t-il souligné à 'Goal'. Pour la première partie de la saison, rien qu'en Bundesliga il a mis 22 buts toutes compétitions confondues. Et il est le deuxième joueur le plus utilisé de l'effectif derrière Kimmich. Il est aussi le meilleur buteur en Ligue des Champions avec 8 buts en seulement 6 matches. Un attaquant de classe internationale est jugé sur les buts qu'il marque, et lui il répond présent dans ce domaine peu importe les états d'âme qu'il a pu avoir".
En plus de faire honneur à sa réputation en tant que finisseur, Lewandowski s'est aussi amélioré en tant que passeur. Par la force des choses, en raison d'un Bayern moins dominateur que lors des années précédentes, il a dû parfois dézoner pour aller chercher les ballons. Cela lui a permis d'élargir son registre, mais aussi de faire briller ses coéquipiers. "Il a un rôle différent, il participe au jeu et offre aussi des passes décisives, note Guillou. Il participe un peu plus à la construction. Parfois, quand le Bayern était en difficulté, il manquait de soutien dans la surface, mais il a continué à mettre des buts. Il a superbement bien commencé la saison, avec le triplé mis en Supercoupe, et est resté sur sa dynamique".
Les états d'âme évoqués de "Lewa" sont les envies d'ailleurs qu'il avait publiquement et à maintes fois affichées au cours de la campagne écoulée. Tenté par une nouvelle aventure, il s'était même attaché les services d'un agent de renommée mondiale (Pini Zahavi) afin de gérer ses intérêts. Finalement, le Polonais n'a pas pu bouger. Cela aurait pu le démoraliser, mais il n'en a rien été. Au contraire ; il a même assuré être désormais totalement concentré sur ses devoirs envers le Bayern. "Il a déclaré sa flamme au Bayern, en disant qu'il voulait y terminer sa carrière. C'est un témoignage fort. Aujourd'hui, dans sa tête, il est à 100% au Bayern", atteste Guillou.
Guillou : "Sa motivation restera intacte tant qu'il n'aura pas gagné la C1 avec le Bayern"
Le natif de Varsovie est de nouveau disposé à s'inscrire dans la durée avec le club qui l'a accueilli en 2013. Il n'a rien demandé en retour, seulement que le Bayern se donne les moyens de régner de nouveau sur l'Europe. "Il souhaite deux joueurs de classe internationale, et on verra si le Bayern est capable d'être performant sur le marché des transferts", confirme Guillou. Ce dernier estime par ailleurs que Lewandowski n'outrepasse en rien son rôle quand il demande à être entouré des joueurs de talent et susceptibles d'élever le niveau de l'équipe : "c'est sa seule motivation quand il demande ça, et c'est aussi l'objectif du club. Cette année, certes, l'ambition du club est d'aller chercher un 7e titre d'affilée, et c'est un vrai challenge vu que le Bayern est aujourd'hui dans la position du chasseur et non du chassé. Mais l'objectif majeur reste de conquérir la C1. Je ne pense pas qu'il se sert pour faire du chantage et provoquer son départ. C'est plus, une façon de dire "ramenez des joueurs de classe internationale, et ensemble on gagnera la Ligue des Champions! ".
Lewandowski est motivé, mais le sera-t-il encore dans quelques mois, voire dans quelques années ? N'y-a-t-il pas un risque qu'il regrette son choix de ne pas avoir tenté une nouvelle expérience. Selon Guillou, cette situation ne peut survenir que dans un seul cas de figure : "La question, on pourrait éventuellement se la poser s'il avait déjà gagné la Ligue des Champions. Or, ce n'est pas le cas. Certes, avec le Bayern, il a une brillante carrière. Et rien qu'en C1, il a mis 37 buts avec cette équipe. Mais tant qu'il n'aura pas gagné cette compétition, la motivation restera intacte. Il a été pointé du doigt pour ne pas avoir été décisif lors des matches à élimination directe. Il aura donc encore plus à cœur de briller et offrir ce trophée au club".
On peut enfin s'interroger sur la façon dont Lewandowski se comportera le jour où il sera définitivement propulsé comme le principal cadre de l'équipe. Avec le rajeunissement programmé de l'effectif à l'issue de l'exercice, cette situation pourrait même se produire dès la fin de la saison en cours. "Aujourd'hui, dans la hiérarchie du Bayern, il est le deuxième vice-capitaine, derrière Neuer le capitaine et Muller son suppléant. Il a toujours fait partie des tauliers, relève Guillou. Ce n'est pas quelqu'un qui prend la parole et tape du poing sur la table, même s'il a déjà fait des déclarations fracassantes par le passé. C'est quelqu'un de réservé, qui se concentre sur son football. Il mesure sa parole. Mais sa parole a d'autant plus l'impact qu'il ne la prend pas souvent et quand il la prend ça a inévitablement plus de résonnance. Aujourd'hui, de par ses performances, son palmarès et ce qu'il a accompli au Bayern, il fait partie des joueurs qui sont écoutés. Est-ce que lui veut prendre le pouvoir ? Ce n'est peut-être pas sa volonté, mais ça reste, quoi qu'il arrive un cadre du vestiaire".