Il est 21h20 et Kylian Mbappé n'a pas encore ouvert le score pour le PSG. Le petit millier de supporters parisiens, dont quelques centaines d'ultras, donnent de la voix quand un mouvement inhabituel tend l'atmosphère: dans un moment de confusion, un des leurs est extrait sans ménagement du parcage par un stadier.
Très remonté contre une "clé de bras", il est entraîné hors du stade Michel-d'Ornano pendant que stadiers et policiers d'une section d'intervention rapide (SIR) dissuadent d'autres fans parisiens de suivre leur ami.
Seuls quelques ultras, leaders de groupes ou "anciens" reconnus des tribunes parisiennes, accompagnent le supporter éméché, aux côtés des stadiers et forces de l'ordre qui l'entourent. Rapidement, ces derniers s'écartent, laissent les supporters discuter entre eux.
"Ils font retomber la tension peu à peu", observe un habitué de ce genre d'accrochages "sans gravité", mais toujours susceptibles de s'envenimer. Le supporter, après avoir grillé une cigarette, peut finalement retourner en tribunes, sans plus se signaler.
Climat de confiance
C'est l'ordinaire d'un soir de match de foot français qu'est venu observer le commissaire en charge de la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), Antoine Mordacq. Partis de Paris vers 15h00, trois membres de cette division sont venus assister au match "non pour prendre le contrôle des opérations, mais dans un rôle d'accompagnement", explique-t-il à l'AFP.
Sur la route, renseignements sont pris puis répercutés sur l'heure de départ des bus de supporters parisiens, sur le nombre attendus ou encore la présence éventuelle d'ultras venus par leurs propres moyens à Caen. Objectif: "éviter à tout prix la violence" dans et aux abords du stade, plaide Laurent, un policier local.
"Sur ce déplacement, et ce n'est pas toujours le cas, nous avons accédé à toutes les demandes formulées par les supporters", explique de son côté le commissaire. "Ils ont pu retarder le départ des bus d'une heure, et de nombreux membres du Collectif ultras Paris (CUP) se rendent au stade de manière autonome".
Pour que des arrangements de ce type soient possible, un climat de confiance doit s'être établi. Les autorités testent les supporters, leurs leaders, pour savoir s'ils sont "réglos" et tiennent les engagements formulés en amont des rencontres.
A Caen, aucun souci majeur à déplorer, hormis quelques objets jetés sur le gardien normand - et ancien Marseillais - Brice Samba, et un engin pyrotechnique ayant échappé à la vigilance de deux rideaux de palpations - "qui ne sont pas des fouilles", précise Laurent -. Il sera craqué pour fêter le 2e but parisien sous les yeux du commissaire Mordacq et du responsable de la coordination des supporters au PSG, en discussion à l'arrière du parcage avec l'un des leaders du CUP, Mika.
Stadiers caennais et parisiens
"Il y a de la discussion et c'est le jour et le nuit avec ce qu'il y avait avant", observe ce vétéran des tribunes parisiennes. A ses yeux toutefois, "les préfectures prennent quand même beaucoup de restrictions, des libertés sont bafouées par rapport aux déplacements. C'est plus facile pour eux de ne pas nous voir, comme ça il n'y a rien à gérer."
A contrario, les supporters ultras boycottent parfois des déplacements pour protester contre des conditions d'encadrement trop drastiques. A Bordeaux dimanche, seuls 500 supporters parisiens ont été acceptés en parcage dimanche, poussant le CUP à déclarer forfait.
A Caen mercredi, une seule interpellation a eu lieu côté parisien, en raison d'un engin pyrotechnique détecté à la fouille. "Ca ne se passe pas toujours aussi bien, mais là ils ont presque l'air pressé de partir", glisse Antoine Mordacq en suivant de l'oeil les supporters, qui regagnent dans le calme l'un des bus affrétés ou leur véhicule personnel sur les parkings alentours.
Ils ont été contenus dans le parcage une bonne vingtaine de minutes après le coup de sifflet final, pour que les supporters caennais aient le temps de se disperser, minimisant les risques d'affrontements. Les deux publics n'ont de toute façon pas de contentieux notable.
A 23h30, les cars de supporters quittent l'enceinte du stade, suivis par un bus de stadiers parisiens - qui connaissent bien "leurs" supporters et peuvent ainsi renseigner leurs homologues normands -. Le déplacement suivant aura lieu dès dimanche.