Mathieu Bodmer: "Si je n'avais pas joué à Paris, j'aurais foiré ma carrière"

C'est une page qui se tourne. Après une riche carrière de footballeur professionnel et 17 saisons dans l'élite, Mathieu Bodmer, 37 ans, a décidé de raccrocher les crampons . Son dernier club aura été Amiens, relégué au terme de la saison 2019-20.
Passé par le PSG de Zlatan Ibrahimovic au début de l'ère QSI, ou encore l'OL de Juninho et le LOSC de Claude Puel, le milieu de terrain va maintenant se tourner vers d'autres projets, et les sollicitations ne manquent pas pour qu'il ne s'éloigne pas trop du football.
Cela a-t-il été une décision difficile à prendre ?
Mathieu Bodmer : Ça faisait un petit moment que j'y pensais très sincèrement, étant donné la situation dans mon club (Amiens), les différentes blessures et la vieillesse qui arrive. J'avais l'espoir de continuer encore un petit peu, qu'on puisse terminer la saison. Mais le confinement est venu chambouler mes plans. J'ai eu pas mal de sollicitations extérieures, toujours dans le foot mais hors du terrain. Et à l'arrivée j'ai pris la décision de passer à autre chose. Je pense que c'est le moment.
N'avez-vous pas une petite amertume de terminer ainsi, sans un dernier match et une sortie sous les applaudissements ?
Si, une grande. Mais on a tous constaté la situation du pays ces derniers mois. On s'est investis sur d'autres projets, pour ceux qui ont vu ce qu'on a fait pour Evreux. Même si j'aurais aimé avoir une sortie devant ma femme, mes enfants et mes amis, on ne choisit pas toujours.
Si Amiens était resté en Ligue 1, cela vous aurait-il poussé à prolonger d'une saison ?
Je pense que ça aurait été plus simple. Pour moi, depuis le départ, c'était Amiens ou rien. Je ne me voyais pas repartir ailleurs. On a discuté avec le club, mais ça n'a pas pu se faire pour diverses raisons. C'est dommage pour moi comme pour eux.
"J'adorais Zlatan, tant le personnage que le joueur. C'est un ovni" En vingt ans de carrière, vous n'avez jamais évolué à l'étranger. Pourquoi ?
Le football est fait d'opportunités. Quand je pars de Lille, Lyon est un très grand club en Europe. J'ai des sollicitations à l'étranger, mais ce n'est pas Manchester United ou le Real Madrid. Avec Lyon, j'ai la chance de gagner mon premier titre. Mon rêve, c'est de jouer au PSG. Et quand ça arrive, j'y vais. Je suis monté à Paris, je ne me suis pas entraîné pendant une semaine, j'ai pris des amendes. Et quand le président Jean-Michel Aulas m'a appelé, je lui ai dit 'c'est le PSG ou j'arrête le foot'. Mon père est supporter du PSG, il a failli signer au PSG quand il était jeune. Si je n'avais pas joué à Paris, j'aurais foiré ma carrière.
Certaines personnes penseront qu’il est plus facile de s’arrêter à 37 ans, parce qu’on se dit être arrivé au bout du chemin, que la carrière a été suffisamment longue. C’est faux. Pour le passionné que je suis, La retraite, c’est comme une petite mort. Un moment où tout retombe après 20 ans d’emotions, toutes plus intenses les unes que les autres. Je replonge dans mes débuts à Évreux en 1988, mon premier match pro avec Caen en juillet 2000, la découverte de la Ligue des Champions avec Lille, le doublé Coupe/Championnat avec l’OL, une demi-finale de C1 contre le Bayern, la découverte de clubs chargés d’histoire comme Saint-Etienne et Nice, sans oublier Guingamp et Amiens, deux clubs de guerriers, chaleureux et familiaux. Mais rien de tout cela ne pourra égaler la fierté d’avoir jouer pour mon club de coeur : le Paris Saint-Germain. En 2010, les planètes semblent enfin alignées pour boucler mon transfert au PSG. A cette époque, j’aurais été capable de rejeter toutes les offres, peu importe qu’elles proviennent des meilleurs clubs d’Europe. Je voulais Paris, c’était mon rêve de gosse. J’ai aujourd’hui une pensée particulière pour Alain Roche et Antoine Kombouaré, qui ont rendu cela possible. Forcément, après plus de 600 matches en pro, ne pas finir sur le terrain laisse un goût amer. 20 ans de voyages, de rencontres extraordinaires - qu’ils soient joueurs, coaches, dirigeants, supporters - auraient mérité une meilleure fin. Je repense à Mohamed El Kharraze, qui est venu me chercher dans mon quartier à Évreux. À Nasser Larguet, alors directeur du centre de formation du SM Caen, qui m’a fait signer mes premiers contrats et fait monter en équipe pro. À Claude Puel, qui m’a coaché pendant 9 ans, au LOSC, à l’OL, ou encore à Nice. 3 mois après une fin de saison forcée, je me sens déjà nostalgique. Mais je vais pouvoir passer plus de temps auprès de ma femme et mes filles, et soutenir mes fils, jeunes footballeurs au HAC et à Caen. L’amoureux du ballon rond que je suis n’est pas encore prêt à prendre de la distance, loin de là. Les projets professionnels liés au foot sont nombreux, l’envie d’entreprendre est immense. A très vite, Mathieu Bodmer
Quels souvenirs gardez-vous d'un Zlatan Ibrahimovic au PSG ?
C'est un ovni. J'adorais le personnage, j'adorais le joueur. On avait quelques amis en commun et tout s'est bien passé dès le début. C'est un super joueur, un super mec, qui a apporté beaucoup de choses au club. On peut dire qu'il est arrogant, mais il a fait bouger beaucoup de choses dans le bon sens.
Vous auriez pu jouer à Marseille ?
Jamais de la vie (rires) !
"Hatem, il faut savoir lui parler. Il est peut-être trop franc pour le football" Quel est l'entraîneur qui vous a le plus marqué ?
Il y en a beaucoup, mais je suis obligé de citer Claude Puel. Il m'a eu pendant neuf ans, dans trois clubs différents. On a eu des hauts et des bas, mais il y a toujours eu beaucoup de respect et de bons souvenirs, à Lille, Lyon ou à Nice. Il est venu me chercher à Caen, et il m'a beaucoup fait progresser. Après, tactiquement, le plus fort, c'est Lucien Favre. Ce qu'il fait, c'est du génie. Il faut voir ce qu'il propose, comment il vit le foot, la manière dont il réfléchit. Avec lui, le placement, c'est à dix centimètres près. Tout le monde a vu Dortmund ces derniers temps. C'est un grand passionné, presque maladif.
Et le joueur le plus fort ?
Hatem (Ben Arfa), forcément. Tout le monde le sait. C'est spécial. Il fait ce qu'il aime, ce qu'il a envie de faire et ce qui l'inspire. Il est capable de signer dans un club juste parce qu'il aime le coach, le président, voire qu'il aime la couleur du maillot. Il faut savoir lui parler. Il est peut-être trop franc pour le football.
Qu'allez-vous faire maintenant ?
Je ne ferme aucune porte. Tant que c'est dans le foot, ça m'intéresse. Des clubs m'appellent pour du recrutement. J'ai eu des propositions d'agences, mais ce n'est pas une priorité pour le moment. J'espère rester plus près du terrain. Ce qui va me manquer, c'est l'adrénaline.