La scène se déroule à Limoges et Benoît Badiashile, alors âgé de 5 ans, va déjà faire la preuve de sa grande détermination. "Un mercredi j’amenais son frère Loïc à l’entraînement et il était avec moi, raconte son père Raymond. Il l'a vu jouer et il voulait absolument le rejoindre. Il a pleuré, il a carrément fait un scandale pour qu’au final l’entraîneur lui dise de venir. Il a fait son premier entraînement en baskets et j'ai dû lui acheter ses premiers crampons le mercredi suivant". Jusqu'à aujourd'hui, ce caprice d'enfant reste la seule fois où le jeune homme a forcé les choses pour qu'elles tournent en sa faveur. De Limoges à Malesherbes en passant par le Pôle Espoirs de Châteauroux puis Monaco, Benoît Badiashile a toujours passé les étapes de la même manière : rapidement, avec un naturel épatant.
Une évolution linéaire
Tout est allé très vite pour Benoît Badiashile. Et si la phrase est un poncif concernant les jeunes joueurs exposés très tôt au plus haut niveau, le coup d'oeil dans le rétroviseur de son évolution en témoigne. Après ses premiers ballons d'attaquant au Limoges FC, Benoît Badiashile a rejoint le SC Malesherbes où il a reculé d'un cran pour évoluer en tant que milieu défensif. À 11 ans, Luc Cerrajero, alors directeur sportif du club du Loiret et recruteur pour l'AS Monaco, va l'inscrire sur les listes des détections du club de la Principauté.
Après plusieurs tests effectués en région parisienne, l'ASM se laisse convaincre. "Je n'y croyais pas, se souvient son père. Le monde du football est difficile et j'avais déjà un fils pris au centre de formation de Monaco, alors deux..." Et l'histoire est loin de son épilogue. À 12 ans, Benoît Badiashile va d'abord intégrer le Pôle Espoirs de Chateauroux où il va effectuer sa préformation jusqu'en 2016. À 15 ans, le défenseur central pose ses valises à Monaco où un an et demi plus tard, il signera son premier contrat professionnel.
Sa formation va se dérouler dans un climat des plus enrichissants. Alors que l'équipe première réalise une des plus grandes saison de l'histoire du club, Benoît Badiashile fait ses armes en regardant l'éclosion de Kylian Mbappé, le phénomène qui fait grandir les rêves et nourrit les ambitions des jeunes du centre. Le grand défenseur central observe et travaille dans son style caractéristique, timide et discret, à l'extrême opposé de son frère Loïc, lui aussi pensionnaire de l'académie. "Je lui ai toujours dis de ne pas être pressé, qu'il ne se passerait que ce qu'il aura été cherché, reprend Raymond Badiashile. Je lui répétais que si les autres travaillaient à 100% alors lui devait le faire à 200%".
Une ligne de conduite que le cadet suit à la lettre, selon les commentaires que suscitent son nom en interne. Au début du mois de novembre dernier, soit un peu plus de deux ans après son arrivée, Benoît Badiashile va vivre sa première titularisation sous le maillot monégasque en Ligue 1 face au PSG. Depuis, le grand défenseur central ne s'est plus rassit sur le banc.
Une touche technique dans la défense monégasque
Arrivé dans l'équipe de Thierry Henry suite à la blessure de Kamil Glik, Benoît Badiashile est même le défenseur le plus utilisé (450 minutes, ndlr) sur la période. Il faut dire qu'en plus des circonstances qui ont précipité ses débuts, le jeune défenseur central fait l'unanimité. "Il nous fait beaucoup de bien, expliquait Youssef Aït Bennasser le week end dernier après la victoire face à Amiens. Il a d'abord dépanné mais il n'est plus sorti de l'équipe, il faut qu'il continue comme ça". Alors qu'il emboîtait le pas de l'international marocain, Youri Tielemans relevait lui le caractère travailleur du jeune homme : "C’est un très jeune joueur qui travaille beaucoup et qui est très à l’écoute. Il joue de manière très naturelle en match parce qu’il met énormément d’intensité à l’entraînement".
Du travail et de l'application pour étoffer un profil un peu particulier pour un défenseur central de 1m90 qui n'utilise pas son corps comme atout principal. Car Benoît Badiashile, reconverti au poste il y a peu, y adapte avant tout ses qualités techniques. "Il a un jeu de passes de haut niveau qui lui permet de casser une ou deux lignes à la relance, explique Lionel Rouxel, son sélectionneur en équipe de France U19. Il a également un bon jeu de tête, il va haut pour défendre et ça contribue à son apport offensif".
Les statistiques de ses cinq premiers matches avec l'AS Monaco témoignent bien de ses qualités dans l'utilisation du ballon - Il est le défenseur qui, par exemple, distribue le plus de passes (48/match), qui en réussit le plus (91,25% en moyenne) et qui touche le plus de ballons dans la surface adverse - et laissent entrevoir une marge de progression dans l'aspect purement défensif. "Il a encore du travail sur ses interventions au duel et dans l’anticipation des trajectoires, reprend Lionel Rouxel. C’est un travail technique, il doit être plus proche au duel, que ce soit lorsque les ballons sont au sol ou quand ils se disputent dans les airs. Ses matches en Ligue 1 et en Ligue des champions vont accélérer cet apprentissage".
Tout récemment, Thierry Henry expliquait à son jeune joueur de 17 ans que dans les situations de fins de rencontres, il est parfois préférable de mettre de côté sa qualité de relance pour sortir les ballons chauds sans faire de détails. "Il a encore des choses à peaufiner, expliquait le coach samedi dernier. Mais c'est un garçon qui nous aide et qui fait même plus que nous aider". Avec Kamil Glik, rompu aux duels rugueux et adepte des dégagements défensifs en tout genre, les profils se complètent. Ce mardi soir, le match d'adieu à la Ligue des champions face au Borussia Dortmund sera pour lui une nouvelle occasion de le prouver.