Car si la meilleure passeuse de D1 jouera à domicile, vendredi au Parc des Princes, en quarts de finale de la Coupe du monde, elle évolue depuis 2017 au PSG, c'est dans le Val-de-Marne que son histoire a débuté, balle au pied comme dans la vie.
"Elle était du quartier des Montagnards", explique Youssef Samaghare, un ancien animateur sportif du centre de quartier, qui a été parmi les premiers à la repérer.
"J'ai connu 'Kadi' quand elle était petite. On organisait souvent des tournois de foot interquartiers, elle avait déjà du potentiel, elle était habile au pied", poursuit l'animateur vitriot.
"Techniquement, elle se débrouillait bien, elle était à l'aise avec un ballon", confirme Serge Vaast, l'entraîneur qui l'a convaincue de venir à l'Entente Sportive de Vitry (ESV).
Le talent précoce de Diani s'accompagne d'une bonne dose de timidité, soulignée sans équivoque par les deux hommes. Un paradoxe pour celle qui s'est depuis fait connaître dans le vestiaire des Bleues pour ses imitations de Beyoncé!
A sa décharge, elle est alors la seule fille dans l'effectif de l'ES Vitry, rappelle son ancien entraîneur.
Ce qui ne l'empêche pas de marquer son territoire, comme les garçons du centre de quartier s'en souviennent sûrement. "Elle a mis trois petits ponts à trois jeunes de son quartier qui ne voulaient jamais la prendre dans leur équipe", narre, hilare, Youssef Samaghare.
"Avant, c'était la dernière à être choisie par les garçons. Elle était tellement énervée ce jour-là qu'elle a mis trois petits ponts et un but. L'ego des garçons est redescendu. Ils étaient dégoûtés."
Doutes
L'ancienne résidente de la Cité des Combattants s'est heurtée dans un premier temps aux doutes de ses parents.
"Ce n'est pas forcément un sport que les femmes devaient pratiquer, c'était vraiment un sport à connotation masculine" à leurs yeux, raconte la grande sœur de l'attaquante, Fatoumata Diani.
"Pour eux, l'école était la priorité au départ, ce qui est normal", expose Serge Vaast. "Kadi" a cependant pu compter d'emblée sur le soutien de son aînée de 5 ans, qui l'accompagnait aussi bien lors des déplacements qu'à l'occasion des rassemblements à l'ESV.
Même si de son propre aveu, Fatoumata Diani n'a d'abord vu dans le football qu'"un passe-temps" pour sa cadette, tout comme son amie Kenza Amara, rencontrée à la maternelle avant de fréquenter le même centre de quartier.
"À ce moment-là je ne me suis jamais dit qu'elle allait faire carrière dans le football, je pensais que c'était un truc passager", concède cette dernière.
En 2010, le passage de 'Kadi' d'Ivry, où elle a commencé à jouer dès son départ de l'ESV, à Juvisy, vivier réputé du football féminin en France, sera le déclic.
Trancher le cordon
Il n'y a qu'un saut de puce entre la Cité des Combattants et le stade Joliot-Curie où s'entraîne l'ESV, à peine un jet de pierre entre Vitry et la ville voisine d'Ivry, mais Juvisy et bientôt Clairefontaine sont plus distants. Le cordon est tranché, dans le vif.
"L'ESV, c'était un apprentissage: après, c'était l'envol", témoigne son ancien animateur. "L'éloignement de papa et maman était un peu difficile, c'était une période un peu floue: j'avais un rôle de grand frère, souvent derrière elle pour la motiver", affirme Youssef Samaghare.
Diani s'est accrochée, avec succès: à 24 ans, elle a déjà gagné une Coupe de France, une Coupe du monde U17 et un Euro U19.
Pourtant, entre les hautes tours de brique de la Cité des Combattants, le souvenir de ses premiers dribbles s'est évaporé à mesure qu'elle a franchi les paliers.
Hormis une octogénaire qui se dore au soleil du mois de juin, les habitants interrogés ne connaissent que de nom l'attaquante des Bleues.
Mais à l'Entente, l'héroïne n'a pas été oubliée, et de nombreuses filles suivent désormais ses traces au sein de la section féminine créée notamment à la suite de sa réussite.
Et la relève est assurée. "La petite sœur (de Diani) joue dans le club de l'ESV. Elle est chez les 6-8" ans, sourit Serge Vaast.