Vendredi, après une victoire de prestige contre Lille (3-1), dauphin du Paris SG, Julien Stéphan a dressé le bilan de ses premiers mois d'entraîneur de L1.
"Entre la seizième (son premier match sur le banc) et la trente-huitième journée, l'équipe est cinquième", a-t-il résumé. "Ce n'est pas anodin quand on sait le nombre de matches joués sur cette période (...) Les chiffres se suffisent à eux-mêmes".
Et pourtant, rien ne garantit qu'il restera l'entraîneur d'un club, où le président Olivier Létang semble décidé à jouer un jeu dangereux avec son coach.
Après lui avoir refusé une prolongation d'un an automatique s'il finissait dans les 7 premiers, malgré le premier trophée remporté depuis 48 ans et la qualification européenne qui l'accompagne, Rennes a proposé une prolongation d'une saison, plus une autre en option, mais le technicien pourrait très bien la snober.
D'abord, parce qu'elle ne colle pas avec les déclarations d'Olivier Létang qui clamait à qui voulait l'entendre, après la brouille avec Hatem Ben Arfa, vouloir travailler "dans la durée" avec lui.
Stéphan a plusieurs fois répété que la force d'un club était avant tout la force de son projet qui doit pouvoir résister à une éventuelle année creuse.
Lutte de pouvoir
Doté désormais d'une crédibilité établie, le jeune coach (38 ans) veut que son apport au club se traduise par des garanties sur son rôle au sein de la structure de décision, notamment sur le recrutement.
"On va faire un bilan de fonctionnement avec le président, avec les dirigeants pour voir dans quelle mesure on sera capables de continuer le projet et d'essayer de l'améliorer", a-t-il expliqué, sibyllin, vendredi.
Mais c'est là que le bât blesse, car Olivier Létang, bien qu'il s'en défende, a une conception extrêmement verticale du pouvoir à laquelle il n'est pas prêt à renoncer.
"Olivier a des idées, un projet, il choisit les hommes et après il trace sa route. Et il faut suivre son sillage. C'est un leader (...) Il avance, coûte que coûte", disait de lui Thierry Froger son entraîneur au Mans et à Reims, dans un portrait de Ouest-France intitulé "L'hyper-président", avant la finale de la Coupe de France.
Sabri Lamouchi en avait déjà fait les frais, subissant l'interventionnisme présidentiel auprès des joueurs au mercato estival. Létang avait fait fi de son projet de jeu et de la qualification européenne qu'il était allé arracher avec un effectif limité, avant de le remercier sans état d'âme en décembre.
Dilemme
Stéphan a pour lui l'appui des supporters et des joueurs. "Nous n'envisageons pas une seule seconde le départ de notre technicien", a ainsi clamé dans un communiqué le Roazhon Celtic Kop, principal groupe de supporters rennais, avant Lille.
"On a débuté quelque chose avec lui. Le Stade Rennais doit faire preuve de continuité par rapport à ça (...) on aimerait tous le garder", a glissé l'attaquant Adrien Hunou.
"Il y a des choix qui vont être faits plus haut. On est impuissant. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'on soutient le coach, il nous a beaucoup apporté", a renchéri le défenseur Damien Da Silva.
Et pour Mbaye Niang, transfiguré depuis l'arrivée de Stéphan et qui a sans doute réalisé la meilleure saison de sa carrière, même si son option d'achat n'a pas (encore ?) été levée, "le Stade Rennais a tout intérêt à garder l'entraîneur".
On en vient à se dire que seuls les Pinault, propriétaires du club, pourraient résoudre ce "conflit" qui ne dit pas son nom. Mais peut-il l'être sans provoquer le départ de l'un des deux ?
Choisir entre Létang qui a fait faire un énorme bond en avant au club en l'espace d'un an et demi et un coach très prometteur et "au sang rouge et noir" est un dilemme cruel.
Mais la préparation de la saison prochaine risque bien d'être à ce prix.