Sur les traces de Pochettino à l'Espanyol, berceau d'un entraîneur "héroïque"

"Pour moi, Pochettino a la même importance pour l'Espanyol que (Pep) Guardiola ou (Johan) Cruyff au Barça", résume pour l'AFP Joan Collet, ancien président du club "perico" (2012-2016).
Le technicien argentin a passé quatre ans (2009-2012) sur le banc de l'autre club de Barcelone, où il a laissé une trace indélébile.
Au point que, depuis la qualification de Tottenham pour la finale de C1 prévue samedi à Madrid, l'Espanyol a vendu plus 100 maillots floqués à son nom, rapporte le club.
Et la porte n°6 du stade de Cornella-El Prat, le numéro que portait Pochettino sous le maillot "blanquiazul" (1994-2001 puis 2004-2006), lui est dédiée en tant que joueur étranger comptant le plus de matches disputés au club (301).
Sans Pochettino, ce stade bâti il y a dix ans aurait pu être inauguré en deuxième division: en janvier 2009, l'Espanyol était bon dernier de Liga malgré un premier changement d'entraîneur en cours de saison.
"Nous étions au fond du trou", se souvient Joan Collet, déjà membre de la direction à l'époque, et grand partisan de la nomination de Pochettino. Ce dernier avait raccroché les crampons trois ans plus tôt et achevait sa formation d'entraîneur comme adjoint de l'équipe féminine.
"Intuition"
"Comme entraîneur, il n'était personne", se remémore Collet. "Mais j'avais une intuition à son sujet. Je le voyais tous les 15 jours au stade, suivant les matches de l'Espanyol, parlant avec les blessés, les joueurs non convoqués. Beaucoup d'entre eux avaient été ses partenaires, il avait beaucoup d'ascendant."
A dix journées de la fin, la situation semble pourtant irrémédiable: l'Espanyol est lanterne rouge, à huit points du premier non relégable.
Mais le miracle se produit: l'équipe de Pochettino engrange 25 points sur 30 possibles et assure son mantien contre Almeria, à l'avant-dernière journée.
"En tant qu'entraîneur, ma plus grande joie a été lorsque nous nous sommes sauvés à Almeria, lors de ma première saison", a d'ailleurs confié Pochettino le mois dernier juste après la qualification de Tottenham pour les demi-finales de C1, avec un joli sens du contre-pied.
Ses joueurs de l'époque décrivent un entraîneur très charismatique: "Il avait une belle éloquence, des capacités de meneur", explique l'ancien milieu Moisés Hurtado.
Son ex-coéquipier Javi Chica confirme: "Son secret a été de parvenir à remonter notre moral (...). En bon Argentin, il sait motiver les autres, toucher la corde sensible."
Après ce "sauvetage héroïque", selon les mots de Collet, l'Espanyol a pu inaugurer en grande pompe son nouveau stade, lors d'un match amical contre... Liverpool, adversaire de Tottenham samedi en finale.
Mais la joie fut de courte durée: six jours plus tard, le jeune capitaine Dani Jarque mourait subitement d'une crise cardiaque à 26 ans.
"C'étaient des années très difficiles", rappelle Javier de Haro, qui commente depuis 25 ans les matches de l'Espanyol et est devenu ami avec Pochettino. "Nous étions en pleine crise économique, Dani Jarque venait de mourir, le (coût du) nouveau stade nous empêchait de recruter..."
Un entraîneur parfois "excessif"
Malgré tout, l'Espanyol a connu sous Pochettino des saisons sportivement sans frayeurs, développant en outre un jeu attrayant.
"Il avait beaucoup appris de Marcelo Bielsa", qui avait été son entraîneur avec Newell's, l'Espanyol et l'Argentine, observe Javi Chica.
Pochettino a aussi professionnalisé le club "perico", en particulier son centre d'entraînement... au point d'être parfois "excessif", selon Moisés Hurtado. "Il ne voulait pas seulement contrôler les questions footballistiques, mais aussi tout le reste, les relations personnelles, la hiérarchie (du vestiaire)..."
Au début de sa cinquième saison, en novembre 2012, l'idylle prend fin et c'est Joan Collet, arrivé à la présidence une semaine plus tôt, qui signe la rupture amiable du contrat.
"J'imaginais Pochettino rester de nombreuses années à l'Espanyol. Je pensais qu'il serait notre Alex Ferguson", regrette-t-il, allusion à la longévité de l'ex-manageur de Manchester United.
Par la suite, l'Argentin est resté très attaché à l'Espanyol.
Il garde une maison à Barcelone, proche de l'ancien stade "perico" de Sarria. On le voit parfois au stade de Cornella-El Prat et il organise des stages avec l'effectif de Tottenham dans la région.
Et un jour qu'on l'interrogeait sur une possible nomination au Barça, le grand rival catalan, Mauricio Pochettino est resté fidèle à ses couleurs: "J'aime l'Espanyol. Ce serait impossible."