Sur les traces de Fernando Santos et sa double vie d'ingénieur dans un palace

"Il m'a fallu beaucoup de passion et de travail, mais aussi le soutien de ma famille car j'ai n'ai pas eu de journée de repos pendant toutes ces années", raconte par écrit à l''AFP' le sélectionneur de l'équipe du Portugal, sacrée championne d'Europe l'été dernier.
Le coach de 62 ans conserve toutefois "un très beau souvenir" du temps passé à l'hôtel Palacio, un établissement cinq étoiles situé entre la plage et le célèbre casino d'Estoril.
Bâti en 1930, il figure parmi les hôtels emblématiques de cette coquette station balnéaire de la banlieue ouest de Lisbonne. Avec son élégante façade blanche et ses jardins, le Palacio se targue d'accueillir régulièrement chefs d'Etat et aristocrates, mais aussi d'avoir servi de décor au film de James Bond de 1969, "Au service secret de sa majesté".
Ce n'est pourtant pas à la recherche de glamour et de sophistication que Fernando Santos a débarqué à l'hôtel en janvier 1981, en tant que directeur des services techniques, mais par nécessité.
Agé de 26 ans, il était alors un défenseur à la carrière discrète malgré ses débuts au Benfica. Respectant la volonté de son père, il avait toutefois obtenu son diplôme d'ingénieur électrotechnicien en partageant son temps entre la faculté et les terrains de foot.
Quand le président du club Estoril Praia, qui était également propriétaire de l'hôtel, a voulu le débaucher du Maritimo de Madère, Santos a accepté un salaire inférieur, car il voulait se rapprocher de sa mère souffrante, mais à condition d'être recruté aussi comme ingénieur.
Congé sabbatique
Fernando Santos a continué de mener cette double vie une fois devenu entraîneur, toujours à Estoril puis au Estrela Amadora, autre club des environs de Lisbonne.
"Tout ça car, pendant longtemps, je n'étais pas sûr que mon avenir professionnel passerait par le football", explique-t-il aujourd'hui. De fait, il n'a quitté l'hôtel Palacio qu'en 1998 pour rejoindre le FC Porto, à 43 ans.
"Quand il est parti, l'administration de l'hôtel a insisté pour qu'il prenne un congé sans solde. Sa situation n'a pas changé depuis et il est donc toujours un homme de la maison", précise l'actuel directeur général du Palacio, Francisco Correa de Barros.
Ce responsable de 64 ans est entré à l'hôtel comme directeur en charge de la restauration, quatre mois après Fernando Santos, de deux ans son cadet. "Etant de la même génération, nous sommes restés très amis. C'est un peu comme si nous avions fait le service militaire ensemble", raconte-t-il.
A l'époque, le jeune ingénieur a dû prendre en charge une trentaine d'employés -- maçons, électriciens, serruriers, menuisiers ou tapissiers -- qui n'étaient pas habitués à travailler en équipe.
"Fernando Santos est arrivé et il a mis en place un service d'entretien moderne", résume M. Correa de Campos. "Malgré son air toujours très sérieux, il était très populaire. C'est quelqu'un de très affable et, surtout, un grand meneur d'hommes", assure-t-il.
'Comme une famille'
"Son talent de leader, dont il a fait preuve à l'Euro 2016, nous on l'a découvert ici", confirme Paulo Castela, chef de la réception de l'hôtel. "C'est un homme très charismatique, qui motive les gens par son discours et par son exemple", ajoute cet homme de 52 ans en louant "l'humilité et la détermination" de son parrain de mariage.
Fernando Santos reconnaît lui-même avoir tiré de son expérience à l'hôtel Palacio des leçons qui lui ont servi dans sa carrière d'entraîneur. "Surtout en ce qui concerne le leadership et les rapports humains", précise-t-il.
Aujourd'hui encore, Fernando Santos se rend régulièrement à l'hôtel Palacio pour prendre le petit déjeuner et revoir ses amis.
"C'est vraiment un homme hors du commun", déclare le menuisier Luis Freire, 57 ans, en se souvenant de ce jeune directeur qui mangeait à la table des ouvriers et jouait avec eux aux cartes après le déjeuner.
"Nous étions comme une famille, et lui c'était un peu le père", raconte le tapissier José Raposo, assis derrière sa machine à coudre dans son atelier situé dans les sous-sols de l'hôtel.
La victoire de l'équipe du Portugal à l'Euro-2016 a bien sûr été vécue avec beaucoup d'émotion par ceux qui fréquentent Fernando Santos depuis le début des années 1980. "La comparaison peut paraître exagérée, mais c'était un moment presque aussi fort que la naissance de mes enfants", décrit ce tapissier de 59 ans.